Abattoir public municipal, rue du Guindy (Tréguier
Ensemble de bâtiments clos de murs destinés à l'abattage des animaux de boucherie (bovins, veaux, moutons et porcs). Face à l'entrée située au sud-est, se trouve le bâtiment administratif et, à la suite, la grande halle-abattoir. A l'arrière de la halle-abattoir, "bouverie" à un étage (du latin bovaria signifiant littéralement "l'habitation des bœufs") permettant le stockage du fourrage et longue étable à boxes individuels (à veaux, à moutons et à porcs) en appentis contre le mur de clôture. La cour permet une circulation aisée des animaux (morts ou vifs) et des personnels autour des bâtiments. Bâtiments d'abattage et cour sont reliés à un système de collectage et d'évacuation des fluides.Constructions en maçonnerie de moellon enduit au ciment à l’exception de l'étable en appentis uniquement élevée en brique. Entourages des ouvertures, chaînages d'angle et bandeau alternant pierre de taille de granite gris de l'île Grande à Pleumeur-Bodou et brique de Saint-Ilan fabriquée à Langueux. Soubassement en pierre de taille de granite rose provenant de La Clarté à Perros-Guirec. La maçonnerie en moellon est dite en opus incertum à joints creux [maçonnerie réalisé avec des petits moellon en pierre de dimension et de forme irrégulières]. Fenêtres à linteau en brique en arc segmentaire et clef en granite ; volets métalliques en place et portes en bois. La halle-abattoir est dotée d'une charpente en fer et d'une couverture en tuile mécanique à longs pans surmontée par un lanterneau permettant une ventilation naturelle. Un caniveau court tout autour des bâtiments.Le bâtiment administratif est doté d'une cave, d'un rez-de-chaussée surélevé et d'un étage carré. Il abritait des bureaux et les logements des receveur et concierge (logement patronal). Un "lavabo–vestiaire", deux "water-closet" et deux urinoirs sont dédiés aux usagers de l'abattoir. Au nord de la halle-abattoir, cinq portes en bois à double battant permettaient l'entrée des animaux arrivant de l'étable dans les échaudoirs (lieux où l’on abat). Ce bâtiment regroupe "l'échaudoir", le "pendoir-dégraissoir" et "triperie des charcutiers", la "chambre aérothermique" et la "halle d'abattage des bouchers" (située au sud). La "chambre aérothermique" permet de conserver les viandes pendant plusieurs jours à "température uniforme" et par ventilation forcée. Les pignons nord et sud de la halle possèdent chacun une double porte surmontée d'une ouverture hémisphérique ajourée en brique permettant l'aération générale du bâtiment. A l’intérieur de l'abattoir subsistent des vestiges du matériel de second œuvre à savoir, des portes métalliques, des potences et un monorail pour le transport des carcasses, des treuils et des ensembles de crocs de boucher. Sur une plaque émaillée fixée au mur de abattoir, on peut lire : "Installation mécanique et appareils de la maison Falcot Frères / Lyon-Soissons". Cette entreprise était spécialisée dans les appareils de pesage et matériels d'abattoir à savoir : grues, treuils, crochets d'étals et accessoires...Dès 1906, la construction d'un abattoir public municipal est projetée pour les besoins de la ville de Tréguier afin de mieux contrôler l'abattage des animaux qui continuait de se faire à domicile. Ce projet est soutenu par la Société générale des abattoirs municipaux de France dont le siège social se trouve à Paris. Si l'anse Sainte-Catherine située le long du Jaudy (originellement sur le territoire de la commune de Tréguier) avait été pressentie pour implanter cet équipement, c'est un autre site - dominant la ville de Tréguier au lieu dit Parc Bian - qui a finalement été retenu en 1908. L'enquête publique ouverte le 9 décembre 1907 concernant l’implantation dans l'anse Sainte-Catherine avait en effet soulevé quelques points négatifs. A cet emplacement se posait à la fois la question du respect des règles d'hygiène et de salubrité publique - compte-tenu de la présence d'un ruisseau - mais aussi, la question du maintien de l'accès à la fontaine et au routoir de Sainte-Catherine pour les usagers de la ferme (propriété de Émilie Calvez, veuve de Joseph Le Dû).Le terrain appelé Parc Bian d'une contenance de 21 ares (2100 m2) a été acheté le 30 avril 1908 à la famille du Réau de la Gaignonnière par la ville de Tréguier afin d'y implanter l'abattoir public et la voie d'accès (large de 5 mètres) depuis le chemin de grande communication de Tréguignec à Tréguier. Le montant de la transaction s’élève à 1680 francs. Au nord de ce terrain passe la venelle Lapie tandis qu'à l'ouest commence la propriété de Kerguézec (la conduite des eaux résiduaires de l'abattoir passe à travers cette propriété et débouche au Guindy). Le "devis descriptif" émanant de la Société générale des abattoirs municipaux de France dressé le 1er novembre 1907 à Paris a été approuvé par le préfet des Côtes-du-nord le 23 mars 1908. Conservé dans le fonds des archives municipales de Tréguier sous la cote 4F15, ce devis comprend 10 articles. Plans d'ensemble et de détails, et "devis descriptif" sont remis à l'entrepreneur (non connu) en charge de réaliser les travaux. La provenance des maçonnerie est décrite avec soin dans le devis descriptif : "pierre de taille de l'île Grande teinte uniforme [granite]", "brique de Saint-Ilan [Langueux]" ou "moellon de Traumeur en Trélarzec [Traou Meur en Trédarzec]" assemblé avec un "mortier de chaux hydraulique de Marans" ou "mortier de ciment Portland de Boulogne, marque Demarle et Lonquety ou équivalent" et un "sable de mer, lavé ou de mine parfaitement purgé". Soubassements en "moellons de La Clarté [Perros-Guirec], [granite] rose à gros grains". Si il s'agit d'une architecture avant tout fonctionnelle, le décor est soigné alternant briques et pierres de taille de granite clair : "Les parties formant décoration architecturale seront en briques apparentes, rouges, repressées premier choix et pierre de l'île Grande" ; "angles du bâtiment côté façade […], en briques apparentes, rouges, repressées pour être rejointoyées, et pierre de taille de granite par assises régulières" ; "encadrements des baies du pavillon d’administration [...] en briques et pierre de taille […], pour les autres baies, arc en briques avec clef et sommiers en granite […]" ; "tous les appuis des baies, les bandeaux, clefs, sommiers, les couronnements des souches de cheminées, les socles et chapiteaux des pilastres du portail d'entrée, les seuils et marches seront en pierre de taille de l'île Grande". Idem pour "les baies ajourées de la halle d'abattage des bouchers et celles du pendoir - dégraissoir et triperie des charcutiers, en briques pleines ou creuses de 0,04 cm d'épaisseur et plâtre". Les archives municipales de Tréguier conservent plusieurs règlements administratifs de l'abattoir public : le plus ancien était annexé au traité de concession avec la Société générale des abattoirs municipaux de France daté des 30 septembre et 3 octobre 1907 ; le second, daté du 9 novembre 1908 et précédent de peu l'ouverture de l'abattoir. L'abattoir public de Tréguier a été construit de mai à novembre 1908 : il a été ouvert le 1er décembre 1908.Quoique placé au milieu d'une région d'élevage importante, l’abattoir municipal de Tréguier est menacé de fermeture dès 1961 par le nouveau plan d'équipements publics. En 1963 est proposé par la municipalité un projet d'agrandissement et de modernisation de l'abattoir avec l'achat d'un terrain contigu de 2500 m2. A cette date, 23 bouchers et charcutiers fréquentent régulièrement l'abattoir. En 1966, l’abattoir de Tréguier apparaît toujours comme "trop exigu et ne répondant pas au besoin des bouchers". Sont dénoncés : "la vétusté", "l’exiguïté" et "manque d'appareillage moderne". Le maire de Tréguier intervient alors au niveau national pour demander la construction d'un abattoir industriel moderne afin de traiter les 670 tonnes annuelles de viande. En 1974, le syndicat départemental de la boucherie et boucherie-charcuterie des Côtes-du-Nord - en l’occurrence les bouchers du secteur de Paimpol, Tréguier, Pontrieux et Lannion, s’inquiète de la fermeture prévue des abattoirs pouvant "favoriser l'abatage clandestin, les éleveurs n'étant pas disposés à effectuer de longs trajets […], augmenter le chômage par la suppression d'emplois, tueurs, et ouvriers bouchers dont les patrons ne justifieront plus le maintien".L'abattoir de Tréguier est un équipement ancien qui apparaît fortement déficitaire : il est en sursis depuis l'année 1978. Depuis cette date en effet, la conservation de l'abattoir est conditionnée au fait que la viande ne sorte pas du territoire de la commune, hors les 2/3 de l’abattage réalisé est fait pour des communes des alentours. Quoique l'abattoir de Pontrieux reste ouvert, les services vétérinaires plaident pour un grand abattoir public à Saint-Brieuc. Du point de vue de la pollution des eaux, la conservation de l'abattoir de Tréguier nécessiterait la "séparation des réseaux d'eaux usées et d'eau non polluées", un "dégraissage / dé-grillage, tamisage" et l'épuration des eaux usées. Du point de vue vétérinaire, les améliorations à prévoir sont nombreuses : appareil de mesure et de contrôle, comptabilité du sang et amélioration des méthodes d'entretien, collecte du sang, dispositif de stockage des abats, gras et suifs, aménagement des fumières, transport à sec des matières stercoraires...Le 22 avril 1985, un courrier du préfet des Côtes-du-nord signale une nouvelle fois au maire de Tréguier "les mauvaises conditions d'hygiène" de l'abattoir dont le directeur des services vétérinaires a rendu compte dans son dernier rapport. Le même jour est pris un arrêté préfectoral prescrivant l'arrêt de fonctionnement de abattoir. Après 77 ans d'activité, l'abattoir public de Tréguier a fermé ses portes le 1er janvier 1986.Les bâtiments et la cour de l'ancien abattoir public de Tréguier abritent aujourd'hui les ateliers municipaux.
Auteur(s) du descriptif : Lécuillier Guillaume
Par : L'inventaire du patrimoine